Le véritable sens Halachique de la fête de Tou Bichvat

Le véritable sens Halachique de la fête de Tou Bichvat

Ce mercredi soir (12 février), tombe la fête de TOU Bichvat

La Guémara Roch Ha-Chana (2a) nous enseigne:
Tou Bi-Chvat est le Roch Ha-Chana des arbres.

Certains font l’erreur de croire qu’au même titre que tout l’univers est jugé le jour de Roch Ha-Chana (1er Tichré) pour déterminer qui vivra et qui ne vivra pas, qui sera riche et qui ne le sera pas, etc…, de même le jour de Tou Bi-Chvat est déterminé l’avenir des arbres pour cette année.

Ceci est faux.
En effet, notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l écrit que le jour de Tou Bi-Chvat, aucun arbre n’est jugé. C’est également l’opinion du Gaon Rabbi Avraham H’aïm Naé z.ts.l (Rav du quartier de Bouh’arim – Jérusalem, il y a environ 50 ans, et auteur du Kétsot Ha-Choulh’an). Il écrit que les gens du peuple font l’erreur de croire que le jour de Tou Bi-Chvat étant qualifié de Roch Ha-Chana des arbres, c’est donc ce jour-là que les fruits sont jugés. C’est faut puisqu’il est enseigné dans une Michna de Roch Ha-Chana (16a) que c’est le jour de Chavou’ot que les fruits de l’arbre sont jugés, et non le jour du 15 Chévat.

Mais il semble que la raison pour laquelle le jour de Tou Bi-Chvat est fixé comme étant le Roch Ha-Chana des arbres, réside dans le fait qu’à ce moment-là, la majeure partie des pluies est tombée, comme on nous l’enseigne dans la Guémara Roch Ha-Chana (12a). Rachi explique sur place qu’à la date de Tou Bi-Chvat, une grande quantité de pluie est déjà tombée sur le monde et la sève monte à ce moment-là dans les arbres. C’est à ce moment que les fruits ont passé la plus importante étape de leur pousse. Nos maitres les décisionnaires médiévaux débattent afin de définir la quantification exacte de cette étape.

Cependant, la date de Tou Bi-Chvat représente une étape Halachique importante sur bien des domaines, comme les prélèvements (Ma’asser) sur les fruits qui ont poussé en Israël, ainsi que pour l’interdit de ‘Orla.
Nous allons simplement à titre d’exemple, expliquer le Din de ‘Orla.

Il est écrit dans la Torah (Vayikra 19-23):
« Lorsque vous arriverez en Israël, vous planterez toute sorte d’arbres fruitiers… Durant 3 années, les fruits de ces arbres seront retranchés pour vous, vous ne pourrez pas en consommer ».
Nos maîtres expliquent ce verset en disant qu’il faut compter ces 3 années depuis la plantation de l’arbre. Ce n’est qu’au bout de ces 3 années que les fruits seront permis à la consommation. Par contre, les fruits qui poussent dans l’arbre pendant les 3 années sont interdits au profit, à tout jamais.

Mais attention!!
Ces 3 années ne se comptent pas de façon ordinaire, de date en date.
Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire  d’attendre 3 années véritables, mais seulement selon « les années du monde ».
Explication: Si quelqu’un plante un arbre à la fin de l’année 5777, il n’est pas tenu d’attendre jusqu’à la fin de l’année 5780 pour que les fruits ne soient plus considérés comme « ‘Orla », mais les derniers jours de l’année 5777 comptent déjà comme une année écoulée. Ensuite, il comptera l’année 5778, et l’année 5779, et dès qu’entrera l’année 5780, les fruits sortiront de l’interdiction de « ‘Orla ».

Combien de jours en fin d’année sont considérés comme une année entière déjà écoulée ? 44 jours.
Ex: Je plante un arbre avant le 16 du mois d’Av de l’année 5777. Il me reste encore 44 jours jusqu’à Roch Ha-Chana de l’année 5778. Ces 44 jours comptent comme ci c’est écoulé une année entière depuis la plantation de mon arbre. En effet, 30 jours dans une année comptent comme une année. Il faut ajouter 14 jours pour que la plantation de l’arbre puisse prendre solidement racine dans la terre.
Par conséquent, si 44 jours se sont écoulés dans la 1ère année de la plantation de l’arbre, on considère qu’une année entière s’est écoulée. Il ne reste donc qu’à ajouter 2 autres années complètes, pour que les fruits deviennent permis à la consommation. C’est-à-dire, selon notre exemple, si l’arbre a été planté en fin 5777, il faudra compter toute l’année 5778 et toute l’année 5779. En 5780, les fruits deviennent permis à la consommation.
Cependant, il y a Tou Bi-Chvat qui est le Roch Ha-Chana des arbres, et par conséquent, même en 5780 – qui est la « 4ème année » –  les fruits qui se trouvent encore sur l’arbre jusqu’à Tou Bi-Chvat 5780, restent encore interdits jusqu’à Tou Bichvat.
(Par contre, les fruits qui poussent dans l’arbre après Tou Bi-Chvat 5780, sont permis à la consommation, sans même prélever le Ma’asser. Cependant ces fruits qui sont maintenant permis à la consommation après les 3 années écoulées, doivent d’abord passer une dernière étape:
On doit « racheter » leur sainteté sur la plus petite pièce de la monnaie courante (1 centime d’Euro pour l’Europe, et 10 Agourott pour Israël). Avant de procéder à ce « rachat », on doit réciter une bénédiction:
Barouh’ Ata A-D-O-N-A-Ï Elohenou Meleh’ Ha-’Olam Acher Kiddechanou Bemitsvotav Vetsivanou ‘Al Pidyonn (Neta’) Réva’i.
Traduction: Tu es Bénis Hachem (Tu es la source de la Bénédiction) Notre
D., Roi du Monde, qui nous a sanctifié par ses commandements et nous a ordonné le rachat (du produit) de la 4ème année.
Ensuite, nous prenons la pièce de monnaie et nous déclarons:
« Toute la sainteté de ces fruits, plus 1/5ème , sont rachetés sur cette pièce de monnaie ».
Il est bon de répéter cette déclaration, 3 fois de suite.
Les fruits de la 4ème année sont maintenant permis à la consommation, et sont exempts de M’aasser et autres prélèvements).
Malgré le fait que l’avenir des arbres n’est pas décidé le jour de tou Bi-Chvat, comme nous l’avons expliqué, notre maître Rabbi Yossef H’AÏM de Bagdad z.ts.l, l’auteur du Ben Ich H’aï, écrit qu’il est une tradition transmise parmi les sages des Achkénazims de prier le jour de Tou Bi-Chvat, afin d’obtenir un bon Etrog pour la prochaine fête de Souccot.

Distribuer des grains de blé aux oiseaux pendant Chabbat « Chira »

« Chabbat Chira »
Lors du prochain Chabbat, nous lirons la Paracha de Béchalah’ qui est celle de cette semaine.
Dans cette Paracha, nous lisons le Chant de la Mer Rouge, que les Béné Israël ont entonné après leur sortie d’Egypte. Ce Chabbat est surnommé « Chabbat Chira ».
Certains ont la tradition de distribuer lors de ce Chabbat différentes graines et autres grains de blé aux oiseaux, en souvenir de ce qui est enseigné dans le Midrach : les enfants du peuple d’Israël ont donné aux oiseaux des graines qui poussaient dans les arbres dans la mer rouge, et les oiseaux se sont joints aux Béné Israël dans le Chant de la Mer Rouge.
Cette tradition est citée dans les ouvrages d’illustres décisionnaires.

L’interdiction de nourrir des animaux pendant Chabbat lorsqu’ils sont sans propriétaire
Il semble à première vue qu’il ne faudrait pas agir ainsi selon la Halacha, car il est interdit à une personne de nourrir des animaux pendant Chabbat, si leur alimentation ne l’incombe pas.
Par conséquent, des oiseaux sauvages ou autres animaux sauvages, dont nous ne sommes pas responsables de leur alimentation, il est interdit de les nourrir pendant Chabbat.
C’est pourquoi le Maguen Avraham écrit que cette tradition de donner des grains de blé aux oiseaux pendant Chabbat Chira est une tradition erronée et qu’il faut l’abolir. Ces propos sont cités par le Michna Béroura (chap.324 note 31).

Certains ont proposé pour la personne désirant malgré tout poursuivre cette tradition, de placer une assiette de graines depuis la veille de Chabbat sur le rebord de la fenêtre ou autre, et les oiseaux viendront de façon certaine le matin de Chabbat pour consommer les graines. Ainsi, il n’y a pas le moindre interdit selon tous les avis.

La raison pour laquelle on peut autoriser en cas de tradition
Mais en réalité, sur le plan pratique, notre grand maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l écrit dans son livre Liviat H’en (et aussi dans son livre H’azon Ovadia-Chabbat volume 3 page 224 et volume 4 page 270 et suivantes), que nombreux parmi nos maitres les Ah’aronim (décisionnaires des dernières générations) émettent une remarque sur les propos du Maguen Avraham en disant que puisque cette tradition est observée à titre de Mitsva, il est permis de l’observer Léh’atéh’ila (à priori) pendant Chabbat Chira. Notre maitre le Rav z.ts.l ajoute que tels sont également les propos du Tossefett Chabbat, et il s’étend longuement sur les différentes raisons.

Il cite également les propos du Rav auteur du « Or Péné Moché » qui écrit que cette tradition a également pour raison le fait que du temps du Beit Ha-Mikdach, un flacon rempli de Mann se trouvait dans le Beit Ha-Mikdach. Ce flacon avait pour vocation de raviver la confiance en Hachem chez les Béné Israël à chaque fois qu’ils le voyait, afin de les convaincre de nouveau que puisqu’Hachem nourrit toutes ses créatures, il a aussi nourrit nos ancêtres dans le désert.
C’est pour cela que de notre époque où nous n’avons plus ce flacon puisqu’il a été caché juste avant la destruction du Beit Ha-Mikdach, nous avons la tradition de donner des graines aux oiseaux pendant le « Chabbat Chira » où nous lisons aussi le passage de la Mann, afin d’exprimer qu’à l’instar des oiseaux qui trouvent leur nourriture sans effort ni fatigue puisqu’Hachem se soucie d’eux, ainsi le peuple d’Israël qui a été comparé aux oiseaux, s’il se rend disponible pour étudier la Torah et accomplir les Mitsvot en ayant confiance en Hachem, Il leur fournira leur subsistance dans le calme et la tranquillité.

Notre maitre le Rav z.ts.l cite d’autres raisons à cette tradition, et il conclut à la lueur des propos des décisionnaires que sur le plan pratique, les personnes qui observent cette tradition de donner des graines aux oiseaux pendant Chabbat Chira, ont sur qui s’appuyer dans la Halacha.

Nourrir des chiens pendant Chabbat lorsqu’ils sont sans propriétaire
Notre maitre le Rav z.ts.l cite aussi les propos de notre maitre le Méiri ainsi que d’autres grands décisionnaires qui écrivent au sujet de nourrir un chien pendant Chabbat (il s’agit d’un chien qui n’appartient à personne, car s’il appartient à une personne, il est certain qu’il incombe à son maitre de le nourrir même pendant Chabbat), qu’il est permis de le nourrir pendant Chabbat, car le fait de nourrir un chien constitue d’une certaine manière une Mitsva, comme l’enseignent nos maitres dans la Guémara Chabbat (155b) où ils soulignent que la Torah a exigé particulièrement que les chiens aient de la nourriture, comme il est dit au sujet d’une viande Névela (une viande provenant d’une bête non-abattue selon les lois de la Torah) : « Vous la jetterez au chien ».
Par conséquent, on peut considérer que l’alimentation du chien nous incombe, et c’est une Mitsva de leur donner de la nourriture pendant Chabbat. Le Maguen Avraham tranche ainsi (même s’il se montre plus rigoureux vis à vis des autres animaux sans propriétaire, même lors du Chabbat Chira, comme nous l’avons écrit).

Nourrir un animal pendant Chabbat lorsqu’il ne trouve pas sa nourriture par lui même
Le Gaon Rabbi Chélomo Zalman OYERBACH z.ts.l ajoute encore que si l’on voit pendant Chabbat un animal qui n’a pas de quoi manger, il est permis de lui donner de la nourriture, puisqu’il est dit « Il est miséricordieux envers toutes ses créatures », même si la nourriture de cet animal ne nous incombe pas, malgré tout s’il est affamé et qu’il ne trouve pas sa nourriture autrement, il est permis de lui donner de la nourriture pendant Chabbat.

En conclusion: Il ne faut pas nourrir des animaux pendant Chabbat lorsque leur alimentation ne nous incombe pas, comme des oiseaux en liberté qui n’appartiennent à personne ou autres animaux sauvages.
Par conséquent, il ne faut pas nourrir les oiseaux sauvages pendant Chabbat.
C’est pourquoi, certains s’imposent la rigueur de ne pas distribuer des graines aux oiseaux en liberté pendant Chabbat Chira.
Cependant, ceux qui observent cette tradition lors de ce Chabbat, où nous lisons le passage de la Mann, en ayant une pensée dirigée vers Hachem, ont sur qui s’appuyer dans la Halacha. De même, il est permis de nourrir un chien pendant Chabbat, même s’il ne nous appartient pas

Source: halachayomit
 
R.Abdellak Malkiel