La règle de « ‘Hadach »

La règle de « ‘Hadach »

Il est dit dans la Torah :
… כִּי-תָבֹאוּ אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר אֲנִי נֹתֵן לָכֶם, וּקְצַרְתֶּם אֶת-קְצִירָהּ–וַהֲבֵאתֶם אֶת-עֹמֶר רֵאשִׁית קְצִירְכֶם, אֶל-הַכֹּהֵן. וְהֵנִיף אֶת-הָעֹמֶר לִפְנֵי ה’, לִרְצֹנְכֶם; מִמָּחֳרַת, הַשַּׁבָּת, יְנִיפֶנּוּ, הַכֹּהֵן.
וְלֶחֶם וְקָלִי וְכַרְמֶל לֹא תֹאכְלוּ, עַד-עֶצֶם הַיּוֹם הַזֶּה … (ויקרא כג-י, יא, יד)
« … quand vous serez arrivés dans le pays que je vous accorde, et que vous y ferez la moisson, vous apporterez un Ômer (mesure de prélèvement) des prémices de votre moisson au Cohen. Lequel balancera cet Ômer devant Hachem, pour vous le rendre propice; c’est le lendemain du Chabbat que le Cohen le balancera.
Vous ne mangerez ni pain, ni grains torréfiés, ni gruau, jusqu’à ce jour même … » (Vaykra 23-10, 11, 14)

Explication :
Hachem nous ordonne une interdiction selon laquelle toute la nouvelle récolte (« ‘Hadach ») des 5 céréales du Dagan (blé, orge, seigle, avoine, épeautre) produite avant Péssa’h, est interdite à la consommation jusqu’au 16 Nissan qui est lendemain du 1er jour de Péssa’h (tel est le sens du verset « c’est le lendemain du Chabbat », c’est-à-dire le lendemain du 1er jour de Péssa’h qui est désigné ici sous le terme « Chabbat »).

Au temps où le Temple existait, on offrait ce jour-là le « Sacrifice du ‘Omer », et dès lors que l’on offrait ce sacrifice, il était désormais permis de consommer de la nouvelle récolte produite avant Péssa’h.
De notre époque où nous n’avons malheureusement plus le Temple, il est interdit de consommer de la nouvelle récolte jusqu’au soir du 17 Nissan (en dehors d’Israël, jusqu’au soir du 18 Nissan). (Soukka 41a).

La règle de « ‘Hadach » de notre époque, en dehors d’Israël, et pour une récolte de non-juifs
Il est expliqué dans la Guémara Ména’hott (68a) que l’interdiction de « ‘Hadach » est en vigueur selon la Torah même de notre temps.

Il est également expliqué dans la Guémara Kiddouchinn (36a) ainsi que dans une Michna du traité ‘Orla que l’interdiction de « ‘Hadach » est en vigueur aussi bien en Erets Israël qu’en dehors d’Israël. Ainsi tranchent le RIF, le RAMBAM et le ROCH.
Il est expliqué dans le Talmud Yérouchalmi (cité par les Tossafot sur Kiddouchinn 37a) que l’interdiction de « ‘Hadach » est en vigueur aussi bien avec la récolte d’un juif qu’avec celle d’un non-juif.

Le moment précis déterminant si la récolte est « ‘Hadach »
Nous avons donc appris que le blé et l’orge produits avant la fête de Péssa’h sont interdits à la consommation jusqu’au soir du 17 Nissan.
Le moment précis qui détermine si la récolte a été « produite » avant la fête de Péssa’h ou après, est le moment où les graines prennent racine dans le sol.
C’est-à-dire : A partir du moment où l’on ensemence les graines, un certain laps de temps s’écoule jusqu’à l’enracinement dans le sol (les décisionnaires débattent afin de définir ce laps de temps. Selon l’opinion du Téroumatt Ha-Déchen, ce laps de temps est de 3 jours, et selon l’opinion du Dagoul Mé-Révava, le Gaon de Vilna et d’autres décisionnaires, ce laps de temps est de 2 semaines.)
A partir du moment où les graines ont pris racine dans le sol, la récolte pérennise.

Par conséquent, du blé ensemencé à Roch ‘Hodech Adar, qui a poussé dans le sol et qui a été moissonné au mois de Iyar ou au mois de Sivan, cette récolte est permise à la consommation, car le temps de l’enracinement était avant Péssa’h, et au 17 Nissan, cette récolte était autorisée à la consommation.

Mais du blé ensemencé après Péssa’h, par exemple à partir du mois de Iyar, et qu’on a moissonné avant le Péssa’h suivant, cette récolte reste interdite jusqu’au soir du 17 Nissan.

En Erets Israël, en général, on ensemence les grains de blé avant la fête de Péssa’h, et le blé est moissonné après la fête de Péssah’.
Par conséquent, lorsque la récolte arrive chez les distributeurs, elle est permise puisque la fête de Péssa’h est passée.
Mais en dehors d’Israël, il existe de nombreux endroits où l’on ensemence le blé après Péssa’h et on le moissonne au mois de ‘Hechvann (en automne). Il est donc interdit de le consommer jusqu’à ce que la fête de Péssa’h suivante passe, comme nous l’avons écrit.

Du temps où notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l occupait les fonctions de Richon Lé-Tsion et Grand Rabbin d’Israël (5733 – 5743), il discuta du problème avec le ministre du commerce afin que l’état d’Israël acquière exclusivement du blé des Etats-Unis à partir d’une production dont la moisson est ultérieure à la fête de Péssa’h, et que l’on n’importe pas de production dont la moisson est antérieure à la fête de Péssa’h, en raison de l’interdiction de « ‘Hadach ».
De façon globale, les choses ont été réalisées de façon conforme, et toute production de blé importée en Israël provenait d’une récolte « ancienne », dont la moisson était ultérieure à la fête de Péssa’h.

L’usage des Séfaradim et des Achkénazim
Dans tous les pays d’Orient, on était tous vigilants vis-à-vis de l’interdiction de « ‘Hadach ». En fait, dans ces pays, il est d’usage d’ensemencer le blé au début de l’hiver et de le moissonner au début de l’été. Le blé commercialisé était donc un blé ultérieur à la fête de Péssa’h, sans la moindre crainte de « ‘Hadach ».

Cependant, dans les pays Achkénazes, en particulier en Pologne, la plupart des gens ne se montraient pas vigilants vis-à-vis de cette règle, car il était très difficile de se montrer rigoureux sur ce point dans ces pays, puisque l’usage était d’ensemencer le blé en été, et de le moissonner au début de l’hiver, approximativement au mois de ‘Hechvan, et on devait donc conserver la récolte dans des dépôts jusqu’à après Péssa’h afin de pouvoir en consommer, ce qui était extrêmement difficile.

Par conséquent, les décisionnaires débattent afin de définir si les Achkénazim ont sur qui s’appuyer dans le fait de ne pas être vigilants vis-à-vis de l’interdiction de « ‘Hadach ».
Sur le plan pratique, les décisionnaires – et parmi eux le RAMA – écrivent à plusieurs endroits divers arguments pour autoriser. De nombreux décisionnaires de ces derniers siècles (A’haronim) s’appuient sur ce point sur l’opinion du Baït ‘Hadach qui tranche que l’interdiction de « ‘Hadach » n’est en vigueur de notre temps que pour la récolte d’un juif et non pour la récolte d’un non-juif. Or, puisque la récolte produite en dehors d’Israël est celle des non-juifs, l’interdiction de « ‘Hadach » n’est donc pas en vigueur en ces pays.

Le Gaon Rabbi Yé’hezkel KATSNELBOÏGEN z.ts.l (l’oncle du Gaon auteur du Chaagatt Ariéh) écrit lui aussi que l’on peut autoriser sur la base de l’argument mentionné.
Cependant, son neveu le Gaon auteur du Chaagatt Ariéh s’est véritablement enflammé contre les personnes qui autorisent, allant même jusqu’à écrire que la Torah revêt le cilice (vêtement de deuil) sur des choses qui ne correspondent pas à la vérité de la Torah, exprimées par des gens qui viennent autoriser des interdictions de la Torah sur la base d’arguments innovés.
Le Chaagatt Ariéh s’appuie particulièrement sur les propos du Talmud Yérouchalmi (que l’on a mentionné dans la précédente Halacha) selon lesquels l’interdiction de « ‘Hadach » est en vigueur même sur la récolte d’un non-juif.
Le Chaagatt Ariéh était tellement rigoureux sur la question qu’il trancha l’interdiction d’utiliser les ustensiles des personnes qui s’autorisent le « ‘Hadach », au même titre que des ustensiles ayant cuits des aliments interdits. Il ordonna que l’on Cachérise ces ustensiles par Hag’ala (immersion dans l’eau bouillante) avant de les utiliser.
Le Gaon de Vilna était lui aussi rigoureux sur la règle de « ‘Hadach » même de notre temps.

Mais dans la pratique, la plupart des Achkénazim n’ont pas écouté le Chaagatt Ariéh sur ce point, en raison de la difficulté à le mettre en pratique.
La grande rigueur du Chaagatt Ariéh sur cette question lui valut de ne jamais être proposé à un poste de Rav dans aucune communauté, et il vécut dans la difficulté matérielle la majeure partie de sa vie, en errant d’un endroit à l’autre pour diffuser la Torah dans la difficulté. (Mais dans sa vieillesse, il fut nommé au poste de Rav dans la ville de Mets en France).

La règle dans la pratique
Sur le plan pratique, les décisionnaires – et parmi eux notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l – enseignent qu’il faut se montrer vigilant vis-à-vis de l’interdiction de « ‘Hadach » même de notre temps, même pour la récolte d’un non-juif, et il s’agit là d’un interdit de la Torah. Particulièrement pour les Séfaradim et originaires des pays d’Orient soumis à cet interdit conformément à la décision Halachique de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h.

C’est pour cela qu’aux Etats-Unis ainsi que dans les pays d’Europe où l’on trouve de la récolte « ‘Hadach », il faut se montrer très vigilant sur ce point, et veiller à n’acheter qu’une production sans crainte de « ‘Hadach ».
Même pour une production de ces pays, prête à être exportée en Israël, il faut malgré tout veiller à ne pas acheter de produits fabriqués après Péssa’h à partir d’une récolte de blé nouvelle.
(Il faut préciser que l’organisme de Cacherout nommé « OU – Orthodox Union » ne tient pas compte de l’interdiction de « ‘Hadach » et s’appuie sur l’opinion des décisionnaires qui autorisent.)

Notre grand maître le Rav z.ts.l encourageait significativement sur ce sujet et disait que si le public avait conscience de la gravité de la chose, il se montrerait de façon certaine plus rigoureux sur la question, car notre génération n’est pas comparable aux générations précédentes où la rigueur sur ce point leur était très difficile, et ce n’est qu’en raison de la difficulté que certains décisionnaires écrivirent divers arguments pour autoriser.
En réalité, aujourd’hui nous trouvons de nombreuses boulangeries aux Etats-Unis et en Europe où il est spécifié sur le certificat de Cacherout « sans crainte de ‘Hadach » ou bien « Farine ancienne », afin d’indiquer qu’ils se montrent vigilants sur ce point, et c’est ainsi qu’il faut agir.

Il faut préciser que les produits importés actuellement des Etats-Unis n’ont pas de crainte de « ‘Hadach » puisque la fête de Péssa’h vient tout juste de passer, mais à partir du début de l’hiver, on commercialisera de nouveau des produits avec présomption de « ‘Hadach ».

Source: halachayomit

Abdellak Malkiel