Lois de Ben Ha-Métsarim

Lois de Ben Ha-Métsarim

(du 17 Tamouz au 9 Av)

Les jours entre le 17 Tamouz et le 9 Av se nomment les jours de « Ben Ha-Métsarim » (« entre les détresses »), en correspondance au verset de Eih’a (chap.1 verset 3) « Tous ses poursuivants l’ont atteinte (Jérusalem) entre les détresses… ».
Or, nos maîtres enseignent qu’il s’agit là des jours entre le 17 Tamouz et le 9 Av, pendant lesquels les ennemis ont pénétré notre sainte et glorieuse ville de Jérusalem, et ont réalisé les pires destructions au sein d’Israël, jusqu’à la date du 9 Av où ils ont détruit le Beit Ha-Mikdach (le Temple de Jérusalem), à cause de nos nombreuses fautes. Depuis ce temps, le peuple d’Israël n’est plus en sécurité, et des ennemis se lèvent contre nous de toute part.

Les ascètes (Pérouchim) et Rabbi Yehochoua’
Il est rapporté dans la Guémara Bava Batra (60a) qu’après la destruction du Temple, des Pérouchim (gens ascètes qui craignent particulièrement D.ieu) instaurèrent de manière définitive de ne plus consommer de viande et de ne plus consommer de vin, en raison de la destruction du Temple où l’on apportait des sacrifices de viande sur l’autel, ainsi que pour les libations de vin qui étaient faites sur l’autel. Et en l’absence du Temple, comment concevoir de remplir nos tables de viande et le vin, alors que la Table d’Hachem est vide ?! De ce fait, ils se privèrent définitivement de viande et de vin.

Si ces ascètes voulaient uniquement s’imposer cette rigueur à eux-mêmes, cela n’aurait aucune incidence, mais ils désiraient l’imposer à l’ensemble d’Israël, et ils voyaient d’un mauvais œil toute personne qui consommait encore de la viande et du vin.

Les Sages d’Israël n’ont pas voulu décréter sur Israël des choses aussi difficiles que les rigueurs voulues par les ascètes, car nos maitres savaient que l’on ne promulgue un décret sur la collectivité que lorsque celle-ci dans sa majorité est en mesure de l’observer.
C’est pourquoi, Rabbi Yéhochoua’ Ben ‘Hananya alla trouver ces ascètes et leur dit :
« Pourquoi ne voulez-vous plus consommer de la viande et du vin ? »
Ils lui dirent :
« Est-il possible que la Maison de notre D.ieu est en désolation sans sacrifices ni libations de vin, et que nous consommions de la viande et du vin ?! »
Rabbi Yéhochoua’ leur dit :
« Dans ce cas, privez-vous aussi de fruits, car nous n’avons plus la Mitsva de « Bikourim » (prémisses) que l’on apportait en offrande au Temple ! »
Ils lui dirent :
« C’est exact ! Nous allons également nous priver des fruits des 7 espèces car ils étaient apportés en offrande au Temple, et nous consommerons les autres fruits. »

Rabbi Yéhochoua’ leur dit :
« Nous ne devrions plus consommer de pain non plus, car nous n’avons plus les « Ména’hott » (offrandes de farine) ! Pourquoi consommer encore de l’eau ?! Nous n’avons plus les libations d’eau faites sur l’autel (à Soukkot) ! »
Les ascètes écoutèrent sans répondre.
Rabbi Yéhochoua’ leur dit :
« Il est certain que nous devons prendre le deuil sur le Temple et sur la souffrance de la Présence Divine, mais s’endeuiller exagérément n’est également pas possible, car la collectivité ne pourra pas surmonter de tels décrets ».
Lorsqu’un homme ne consomme plus de viande, il s’affaiblit et n’aura plus la force pour étudier la Torah.
Par conséquent, il ne faut pas s’endeuiller durant toute l’année avec une telle rigueur, mais uniquement observer les choses instaurées par nos maitres en souvenir de la destruction du Temple, comme la Guémara l’explique sur place.

Cet enseignement nous apprend que même si l’on consomme de la viande et du vin durant toute l’année, malgré tout, durant cette période Israël observe différents usages de deuil sur la destruction du Temple, comme nous l’expliquerons.
Même si la plupart des ces usages ne sont pas des institutions de nos maitres proprement dites, mais uniquement des usages pris par Israël, malgré tout, il est une sainte obligation d’observer ces usages, qui ont été fixés comme un véritable Din dans toutes les communautés du peuple d’Israël.

Le degré de deuil durant cette période, et la semaine dans laquelle tombe le 9 Av cette année
Durant cette semaine, nous expliquerons – avec l’aide d’Hachem – les règles de « Ben Ha-Métsarim » (à partir de ce que l’on a développé les années précédentes, avec un supplément).
Ces règles sont divisées, car à partir du 17 Tamouz jusqu’à Roch H’odech Av, nous observons quelques usages de deuil, et à partir de Roch H’odech Av, nous ajoutons d’autres usages de deuil. Ensuite, durant la semaine dans laquelle tombe le jeûne, d’autres usages de deuil entrent en vigueur.

La bénédiction de Chéhé’héyanou pendant cette période
Il est bon d’avoir la vigilance de ne pas réciter la bénédiction de Chéheh’eyanou sur un fruit nouveau ou sur un vêtement nouveau, pendant la période de Ben Ha-Métsarim, depuis le soir du 17 Tamouz jusqu’à après le 9 Av.
En effet, comment pouvons-nous prononcer les mots : « qui nous a fait vivre, qui nous a fait exister, qui nous a fait parvenir jusqu’à ce moment ?! », alors que l’on se trouve dans une période de malheurs ?

C’est pourquoi, il ne faut pas réciter la bénédiction de de Chéheh’eyanou sur un fruit nouveau ou sur un vêtement nouveau, pendant la période de Ben Ha-Métsarim, depuis le soir du 17 Tamouz jusqu’à après le 9 Av.

Pendant les Chabbatot de la période de Ben Ha-Métsarim, il est permis de réciter la bénédiction de Chéheh’eyanou sur un fruit nouveau ou sur un vêtement nouveau.
Cependant, après Roch H’odech Av, il est convenable de s’imposer la H’oumra (la rigueur) de ne pas réciter la bénédiction de Chéheh’eyanou sur un vêtement nouveau, même pendant Chabbat, mais sur un fruit nouveau, on peut autoriser à réciter cette bénédiction, même pendant le Chabbat qui se trouve après Roch H’odech Av.

Notre maitre le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l tranche qu’il est permis d’acheter des nouveaux vêtements pendant la période de Ben Ha-Métsarim, jusqu’à Roch H’odech Av. Mais on ne peut les porter qu’après Tich’a Bé-Av.

L’usage de s’interdire la coupe de cheveux
En conséquence à la gravité du deuil en vigueur pendant la période de Ben Ha-Métsarim, les Achkénazim ont pour tradition de ne pas se couper les cheveux, ni de se raser, depuis le 17 Tamouz jusqu’au 10 Av.

Cependant, les Séfaradim et originaires du Moyen Orient n’ont pas cette tradition rigoureuse, ils s’en tiennent, sur ce point, à la stricte institution de nos maitres les Tanaïm (Sages de la Michna) qui ont érigé un décret après la destruction du Temple, selon lequel il est interdit de se couper les cheveux et de laver le linge pendant « Chavoua’ Ché’hal Bo » (la semaine dans laquelle tombe le jeûne du 9 Av).
C’est ainsi que tranchent le RAMBAM et MARAN dans le Choulh’an ‘Arouh’.
Mais les Séfaradim qui étudient ou qui vivent dans un milieu Achkénaze, sont autorisés à s’imposer la ‘Houmra (rigueur) sur ce point s’ils le désirent (comme rapporté dans ‘Hazon Ovadia-Arba’ Ta’aniyot).

La « semaine dans laquelle tombe le jeûne du 9 Av » signifie depuis le dimanche (samedi soir) qui précède le jeûne du 9 Av.
Par exemple : si le jeûne tombe un jeudi, toutes les interdictions liées à « la semaine dans laquelle tombe le jeûne » entrent en vigueur depuis le dimanche (samedi soir) qui précède.

Le statut des femmes vis-à-vis de l’interdit de se couper les cheveux
En ce qui concerne la coupe de cheveux pour une femme pendant la semaine dans laquelle tombe le jeûne du 9 Av pour les Séfaradim, ou pendant toute la durée de Ben Ha-Métsraim (les 3 semaines) pour les Achkénazim, cela va dépendre d’une divergence d’opinion parmi les décisionnaires sur le cas d’une femme en deuil sur l’un de ses proches (Père, mère, frère, sœur, fils, fille, époux).
Nous savons effectivement qu’un homme en deuil n’a pas le droit de se couper les cheveux, ni de se raser la barbe pendant 30 jours.
Mais pour une femme en deuil, MARAN – l’auteur du Choul’han Arou’h, selon qui les Séfaradim se basent de manière catégorique – tranche (Choul’han ‘Arou’h – Yoré Déa chap.390-5) qu’une femme en deuil a le droit de se couper les cheveux immédiatement après les 7 jours de deuil.
Le RAMA (opinion Halachique principale pour les Achkénazim) n’est pas du même avis, il pense que même une femme doit attendre 30 jours de deuil avant de se couper les cheveux.

A priori, cette période de deuil a le même statut que la période de 30 jours d’un deuil habituel.
Il est vrai que le Gaon Rabbi Moshé FEINSTEIN z.t.s.l tranche qu’une femme doit s’imposer la ‘Houmra (la rigueur) de ne pas se couper les cheveux pendant cette période, en fondant cette décision sur les propos du Rama rapportés plus haut, selon lesquels, même une femme doit attendre 30 jours pour se couper les cheveux, lors d’un deuil habituel.

Cependant, certains Rabbanim Achkénazim ont écrit que même si la Halacha exige dans un deuil habituel, que même une femme attende 30 jours pour se couper les cheveux (selon l’usage des Achkénazim), pour ce qui est de la période de Ben Ha-Métsarim, elles peuvent se le permettre.
Toutefois, à partir de Chavoua Ché’hal Bo (la semaine dans laquelle tombe le jeûne du 9 Av), où le deuil entre en vigueur par véritable institution de nos maitres, et non plus seulement par tradition, il ne faut faire aucune distinction entre un homme et une femme, et selon la tradition Ashkénaze, une femme devra s’abstenir de se couper les cheveux au moins à partir de Chavoua Ché’hal Bo. (la semaine dans laquelle tombe le jeûne du 9 Av).

Dans la pratique: Selon l’usage des Achkénazim, il est interdit de se couper les cheveux pendant toute la durée des 3 semaines de Ben Hamétsarim.
Selon l’usage des Séfaradim, on ne se s’impose cet interdit que pendant la durée de Chavoua’ Ché’hal Bo (la semaine dans laquelle tombe le jeûne du 9 Av).
Concernant les femmes, même si des femmes Achkénaziyot se l’autorisent (au moins jusqu’à Chavoua’ Ché’hal Bo), elles ont sur qui s’appuyer.

Source : halachayomit

R.Abdellak Malkiel