Servir des aliments à une personne qui ne récite pas les bénédictions alimentaires
Question: Est-il permis de servir une collation – comme une pâtisserie ou des biscuits – à une personne qui n’a pas l’usage de réciter les bénédictions alimentaires, ou bien y a-t-il un interdit du fait que la personne va se heurter à l’interdiction de consommer sans bénédiction?
Réponse: Dans une précédente Halacha, nous avons expliqué de façon générale le principe de l’interdit de « placer l’obstacle devant l’aveugle ». Nous avons défini que cette loi signifie qu’il est interdit de procurer à qui que ce soit l’occasion de se heurter à la transgression d’une quelconque Mitsva de la Torah, comme lui donner un aliment interdit ou autre.
A présent, nous allons traiter de notre sujet, à propos d’une personne qui reçoit chez elle un juif non pratiquant, et le chef de maison désire servir de la nourriture à son invité, sachant parfaitement que l’invité ne récitera pas la bénédiction sur l’aliment. Y a-t-il à craindre également dans ce cas l’interdiction de « placer l’obstacle devant l’aveugle » ou non?
Il est enseigné dans la Guémara H’oulinn (107b) qu’il est interdit de donner à manger du pain à une personne qui ne procède pas au préalable à la Nétilatt Yadaïm, à cause de l’interdit de « placer l’obstacle devant l’aveugle ».
Les décisionnaires débattent afin de définir si ce Din s’applique également lorsqu’il est incertain que la personne commettra l’interdit ou pas, ou n’est il applicable que lorsqu’il est certain que l’interdit sera commis, et il y a donc dans ce cas là l’interdiction de « placer l’obstacle devant l’aveugle ».
Les propos de MARANN dans le Choulh’an ‘Arouh’ laissent entendre que tant que l’on n’est pas certain que l’invité lavera ses mains avant de consommer le pain, il ne faut pas lui procurer le pain, par crainte de l’interdiction de « placer l’obstacle devant l’aveugle » (cependant, le Maguenn Avraham déduit le contraire des propos de MARANN, qu’il est interdit de servir du pain à l’invité seulement lorsqu’on sait avec certitude qu’il va commettre un interdit).
De ce fait, il semble apparemment que le Din est le même dans notre sujet, concernant une personne qui n’a pas l’usage de réciter les bénédictions sur la nourriture, qu’il sera donc interdit de lui servir une collation, puisqu’il est probable qu’il ne récitera pas de bénédiction sur la nourriture. Nous lui causerons donc de se heurter à l’interdiction de manger sans réciter de bénédiction, et de toute façon, il y a là un interdit lorsqu’on sait avec certitude qu’il ne récitera pas de bénédiction sur la nourriture.
Nous devons aussi ajouter qu’il ne faut absolument pas prendre notre sujet à la légère puisque le simple aspect des choses nous indique qu’il s’agit d’une question touchant véritablement un interdit de la Torah, car l’interdiction de « placer l’obstacle devant l’aveugle » relève de la Torah. Même si le fait de consommer sans bénédiction – selon l’ensemble des décisionnaires – n’est qu’un interdit Midérabanann (de nos maîtres), malgré tout, il est probable que l’interdit de « placer l’obstacle devant l’aveugle » qui est lui Min Ha-Torah, s’applique même lorsqu’il s’agit d’un interdit Midérabanann.
En effet, lorsqu’on place un obstacle – au sens propre du terme – devant un aveugle (comme une pierre ou autre) afin de provoquer la chute de l’aveugle en marchant, il est évident qu’il y a là un interdit de la Torah. De ce fait, entraîner une personne à se heurter à un interdit Midérabanann, ce qui aura pour conséquence un châtiment du ciel à la personne qui a commis cet interdit Midérabanann – ce qui est encore plus grave que de glisser ou faire une chute physique dans ce monde – représente à fortiori un obstacle selon la Torah, même si l’essentiel de l’interdit de consommer sans bénédiction n’est pas un interdit de la Torah.
(Cependant, il y a beaucoup à débattre sur ce sujet, et le livre Chou’t Toratt H’éssed du Gaon de Louvlinn s’étend longuement sur ce sujet, afin de définir si celui qui provoque à une personne de se heurter à un interdit Midérabanann, transgresse l’interdit Min Ha-Torah de « placer l’obstacle devant l’aveugle », ou bien ne transgresse-t-il qu’un interdit Midérabanann. Quoi qu’il en soit, ceci n’en reste pas moins une question qui touche un interdit de la Torah.)
De ce fait, il est très difficile de prendre appuie sur des arguments non significatifs pour autoriser à servir une collation à une personne qui ne récite pas de bénédictions.
Il y a plus de 50 ans, le Gaon auteur du H’azon Ich fut consulté sur cette question, et il répondit à la personne qui le consulta (il s’agit du Maguid de Jérusalem le Rav Chalom Mordéh’aï CHVADRON z.ts.l) que selon son avis on peut autoriser à servir une collation à un invité qui ne récite pas de bénédictions. Il donna comme raison le fait que l’interdit ne réside pas dans le fait de placer l’obstacle, mais plutôt dans la conséquence de l’obstacle auquel se heurtera la personne. De ce fait, si l’on ne sert pas à manger et à boire à cet invité, il est certain qu’il en sera vexé, ce qui l’entraînera à se heurter à un interdit encore plus grave qui est celui de haïr un juif, qui est de façon certaine beaucoup plus grave que l’interdiction de consommer sans bénédictions. Par conséquent, on peut autoriser à servir une collation à un juif dans ce cas.
Cependant, le Gaon Rabbi Chlomo Zalmann OYERBAH’ z.ts.l – dans son livre Chou’t Minh’at Chlomo (tome 1) n’écrit pas d’autorisation sur ce point. Il autorise seulement dans le cas où il s’agit d’un invité qui soutient financièrement la Torah, et également lorsqu’il y a lieu de craindre du H’iloul Hachem que l’on dise que les gens pratiquants n’ont aucun savoir-vivre. Mais sans ces conditions extrêmes, il n’écrit aucune autorisation.
Sur le plan pratique, notre grand maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l nous a répondu qu’il est souhaitable de s’abstenir d’en arriver à de telles situations. S’il arrive toutefois que l’on reçoive un invité non pratiquant qui ne récite pas de bénédictions, et qu’il y a lieu de craindre au H’iloul Hachem si l’on ne lui sert pas de collation, dans ce cas il est très juste de lui suggérer avec beaucoup de tact et de diplomatie de réciter les bénédictions alimentaires. S’il est impossible de lui suggérer de réciter les bénédictions, ou bien s’il est plus que probable qu’il va refuser, il y a donc matière – dans un tel cas aussi extrême – à autoriser à lui servir une collation. De toute manière, comme nous l’avons dit, on peut autoriser selon l’opinion du H’azon Ich.
Il existe encore une autre solution qui est parfois réalisable : en servant l’invité, le chef de maison prend lui aussi de ce même aliment et dit à l’invité : « Je vais réciter la bénédiction et penser à t’acquitter, tu répondras Amen. »
Ainsi, le chef de maison récitera la bénédiction et acquittera également son invité par cette bénédiction. Il lui fera aussi mériter la bénédiction.
Source: halachayomit